Me Ghislaine ISSENHUTH, Avocat au Barreau de Paris, et Me Olivier SAMYN, Associé, LMT Avocats
La réforme de l’accès dérogatoire des médicaments est une entreprise d’envergure qui a débuté depuis près de deux ans, avec l’adoption de l’article 78 de la loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. La refonte opérée a pour but de pérenniser l’accès compassionnel et de conforter l’accès à l’innovation, objectif affiché du 8ème Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Une démarche ambitieuse, dans la mesure où elle tend à simplifier un régime devenu extrêmement complexe au fil des années qui n’en demeure pas moins indispensable aux patients, puisque près de 23 000 patients sont sous ATU nominative et 7 000 sous ATU de cohorte.
Sans rentrer dans le détail des modalités pratiques de la réforme, dont l’exposé pourrait s’avérer fastidieux, plusieurs points méritent d’être mis en lumière.
Cette décision favorable entraîne la prise en charge automatique du produit par la solidarité nationale et engendre une double obligation pour l’industriel, qui dispose d’un délai de deux mois pour mettre à disposition le produit et d’un délai de deux ans pour déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché.
Dans le cadre des obligations de suivi prévues par le PUT-RD, les industriels sont tenus d’adresser, selon une périodicité établie par le protocole, un rapport de synthèse reprenant notamment toutes les informations recueillies dans le cadre de la mise en œuvre du protocole (condition d’utilisation, efficacité, sécurité d’emploi) et une analyse du rapport bénéfice risque.
La réforme tend en outre à une plus grande exhaustivité des données, avec pour cible moins de 10% de données manquantes. Pour y parvenir, la principale nouveauté réside dans l’obligation de recueillir des données observationnelles. Par ailleurs, la collecte des données est limitée à trois variables : la mortalité, le critère de jugement principal de l’étude pivot si cette dernière est faisable en pratique courante, et les PROMS (Patient-reported outcomes measures – indicateurs recueillis par les patients eux-mêmes).
Les efforts de lisibilité déployés par les autorités doivent êtes salués même si comme toute réforme, la refonte de l’accès précoce et de l’accès compassionnel comporte encore certaines zones d’ombres, notamment en ce qui concerne la transition entre l’ancien et le nouveau régime.
*Décret n° 2021-869 du 30 juin 2021 relatif aux autorisations d'accès précoce et compassionnel de certains médicaments ; Décret n° 2021-870 du 30 juin 2021 fixant les délais mentionnés aux articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du code de la santé publique et à l'article L. 162-16-5-4 du code de la sécurité sociale ; Arrêté du 1er juillet 2021 pris pour l'application du E du IV de l'article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ; Arrêté du 1er juillet 2021 relatif aux seuils graduels d'autorisations d'accès compassionnel impliquant des majorations de remises ; Arrêté du 1er juillet 2021 pris pour l'application des articles L. 162-16-5-2 et R. 163-52 du code de la sécurité sociale et relatif aux remises applicables à une spécialité pharmaceutique faisant l'objet dans une indication donnée d'une prise en charge au titre de l'article L. 162-16-5-2 ; Arrêté du 1er juillet 2021 pris pour l'application des articles L. 162-16-5-1-1 et R. 163-33 du code de la sécurité sociale et relatif aux remises applicables à une spécialité pharmaceutique faisant l'objet dans une indication donnée d'une prise en charge au titre de l'article L. 162-16-5-1.
Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.